Transmission, diagnostic et conseil génétique
Quels sont les symptômes qui peuvent faire penser à un déficit immunitaire primitif ?
Les signes sont fonction du type de déficit immunitaire
- Déficit affectant les lymphocytes T :
Il s’exprime très tôt dans la vie de l’enfant (dès les premiers mois) avec des infections à répétition parfois sévères et/ou un retard de croissance et/ou une diarrhée persistante. Quand le diagnostic est posé, les enfants sont hospitalisés dans un milieu « protégé » des infections. - Déficit affectant les lymphocytes B et donc la fabrication d’anticorps :
Il s’exprime dès que l’enfant aura perdu les anticorps transmis par sa maman, soit souvent après 6 mois de vie. Les manifestations sont souvent des infections de la sphère ORL (par exemple otites) et/ou pulmonaires (par exemple infections pulmonaires à répétition). Si le diagnostic n’est pas porté rapidement, l’enfant peut avoir des dommages aux oreilles (perte d’audition) ou aux poumons conséquents des infections. Parfois, malgré un traitement précoce et bien conduit, ces séquelles peuvent également survenir. - Déficit affectant les polynucléaires (soit absents soit non fonctionnels) :
Il a pour conséquences des infections, dès le plus jeune âge : ORL, pulmonaires, cérébrales ou des ganglions. Les enfants atteints de ce défaut sur les polynucléaires peuvent faire des infections avec parfois des microbes ou des champignons peu fréquents. Quand le défaut porte sur la fonction des polynucléaires, d’ autres signes peuvent apparaître comme des « granulomes », sorte de « boules », localisées par exemple au foie, à la rate, au cerveau, au poumon.
D’autres déficits, plus rares, n’affectant aucune de ces cellules, peuvent conduire malgré tout à un défaut de l’immunité.
- Le Centre de référence des Déficits Immunitaires Héréditaires (CEREDIH : http://www.ceredih.fr) et l’association de patients IRIS ont réalisé des brochures sur les DIP avec les signes cliniques d’alerte devant faire évoquer un DIP. Il y est précisé que, même si l’un ou l’autre des signes cliniques laisse penser à un déficit immunitaire primitif, il n’en est pas systématiquement ainsi.
Traitement
Les progrès de la génétique ont permis une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires et donc une meilleure compréhension du système immunitaire normal. Ceci a permis aussi de progresser sur le plan des traitements. Le traitement est en fonction de la sévérité et de la nature du DIP.
Certains patients vont bénéficier « simplement » d’antibiotiques à visée de protection des infections les plus fréquentes pour chaque type de DIP et d’une surveillance en consultation alors que d’autres vont avoir besoin de traitements plus importants avec des injections régulières de médicaments dérivés du plasma (substitution par immunoglobulines). Le plus fréquemment, ce sont des injections d’anticorps (immunoglobulines) qui sont nécessaires quand le corps ne les produit plus en quantité suffisante. Ces 2 types de traitement (antibiotiques ou injections d’anticorps) sont les traitements les plus fréquemment rencontrés.
Les enfants patients atteints de certains DIP ne peuvent survivre sans un traitement encore plus lourd de type greffe de moelle osseuse ou thérapie génique.
TRAITEMENT PAR ANTIBIOPROPHYLAXIE
Prévenir les infections dues à des agents pathogènes, c’est le rôle des prophylaxies anti-infectieuses (antibiotiques, antifongiques et immunothérapie) auxquelles s’ajoutent la vaccination et une vigilance au quotidien…
La prophylaxie antibiotique
Pour certains DIP avec une composante cellulaire, (comme les syndromes hyper IgM), le risque d’apparition d’un événement infectieux est particulièrement élevé. Notamment, le risque de pneumonie sévère appelée pneumocystose (car due à un champignon aérien appelé Pneumocystis jiroveci)i. Ces patients ont besoin d’une prophylaxie avec le cotrimoxazole (BACTRIM).
Certains DIP de la phagocytose, dont la Granulomatose Septique Chronique (GSC ou CGD en anglais), ont besoin d’une prophylaxie avec le cotrimoxazole pour prévenir des infections bactériennes graves.
Enfin, en cas de dilatation des bronches, il est peut être proposé de débuter une prophylaxie de lutte contre la récidive de certaines infections ou à visée anti-inflammatoire avec l’azithromycine (ZITHROMAX par exemple).
Il faut absolument suivre les prescriptions antibio-prophylactiques vues la fréquence et la sévérité des infections bactériennes . Les antibiotiques utilisés sont à spectre relativement étroit. Certains micro-organismes peuvent devenir résistants au traitement antibiotique donné, mais globalement on ne rencontre pas de problème majeur avec les traitements prophylactiques cités ci-dessus.
Les antifongiques
Pour les infections à champignons filamenteux, la prophylaxie la plus validée est l’itraconazole (SPORANOX), elle est vitale dans deux cas :
- La GSC contre les infections à Aspergillus.
- Les déficits en STAT3 (Syndrome Hyper-IgE), dès qu’il y a des cavités pulmonaires (pneumatocèles) où Aspergillus aime se loger.
Chez les enfants ou les adultes qui développent une infection à un champignon filamenteux alors qu’ils prennent bien leur prophylaxie, il faut penser au fait que ce champignon peut être résistant à l’itraconazole : il y a des alternatives thérapeutiques.
L’immunothérapie
Parfois c’est un très bon traitement préventif des infections, notamment le G-CSF (NEUPOGEN ou GRANOCYTE) dans les neutropénies congénitales, l’interféron gamma (IMUKIN) chez certains patients. Les Ig pour les déficits humoraux sont un traitement de fond anti-infectieux qui aide aussi à la prévention de la résistance.
Les vaccins
En cas de déficit immunitaire, certains vaccins sont formellement contre-indiqués et d’autres fortement recommandés. Ils permettent de diminuer le portage de certains microorganismes et la survenue d’infections. La vaccination antigrippale annuelle du patient et de son entourage proche est très importante dans la prévention des infections pulmonaires bactériennes.
Pour en savoir plus :
TRAITEMENT SUBSTITUTIF PAR IMMUNOGLOBULINES
L’indication d’un traitement substitutif est sans équivoque dans les déficits les plus profonds de production d’anticorps, telles les agammaglobulinémies. Elle doit être discutée dans les déficits partiels en fonction de leur retentissement clinique.
Des traitements antibiotiques à visée anti- infectieuse, curatifs ou préventifs peuvent y être associés.
Ce traitement substitutif est composé d’anticorps appelés aussi immunoglobulines (Ig) humaines polyvalentes (car contenant une très grande variété d’Ig utiles contre des bactéries, des virus, etc…) qui proviennent du mélange de plasma de plusieurs milliers de donneurs de plasma. Ces préparations vont subir différents procédés de purification et de sécurisation (Cf fiche Comprendre les Immunoglobulines). Ces procédés répondent aux normes de sécurité virale exigées par l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (ANSM, https://ansm.sante.fr/). Ces préparations permettent d’apporter essentiellement des IgG.
Le traitement substitutif se fait :
- En perfusion intraveineuse (IV) (toutes les 3 à 4 semaines souvent) à un débit adapté à la tolérance clinique (réactions indésirables souvent dépendantes du débit de perfusion et se résolvant lorsque celui-ci est diminué). Même s’il est possible d’administrer ce traitement au domicile, Lles premières perfusions doivent être, en principe, réalisées en milieu hospitalier (hôpital de jour le plus souvent).
- Par voie sous-cutanée (SC) hebdomadaire ou mensuelle (avec une forme particulière nécessitant l’injection sous-cutanée préalable d’un autre produit), sur 1 ou 2 sites d’injection habituellement (plus rarement, 3 sites). Le but de la substitution est de prévenir la survenue d’infections sévères ou récurrentes en apportant à l’enfant des anticorps en quantité et qualité suffisantes.
Le pronostic vital et fonctionnel des patients ayant un déficit primitif de l’immunité humorale dépend de la qualité du traitement substitutif. Correctement pris en charge, les patients ont une qualité de vie améliorée, se traduisant notamment par une quasi-disparition des infections bronchiques et pulmonaires.
Les DIP étant des maladies chroniques, le traitement substitutif sera à ajuster tout au long de la vie et nécessitera des consultations répétées, voire des hospitalisations, en cas d’évènements intercurrents (pouvant survenir et s’ajouter). Leur prise en charge doit s’envisager sur plusieurs années, parfois à vie.
Une prise en charge pluridisciplinaire est souvent nécessaire : médecins de famille, médecins spécialistes, infirmières, kinésithérapeutes, …
GREFFE DE MOELLE OSSEUSE
Les thérapies présentées supra sont suspensives : elles visent à atténuer les symptômes qui s’exprimeront d’autant plus que les traitements sont mal ou non pris.
D’autres thérapies dites « cellulaires », s’attaquent à leur la cause : elles sont curatives, plus radicales, mais aussi plus risquées.
La greffe de moelle osseuse (mieux dénommée allogreffe de cellules souches hématopoïétiques) consiste à transférer ces cellules (généralement prélevées dans la moelle osseuse d’un individu appelé « donneur » au patient appelé « receveur ».
Les premières transplantations de moelle ont été faites chez l’être humain en 1957 par E. Donnald Thomas à New-York, aboutissant aux décès des six receveurs en moins de trois mois.
Les premiers succès prolongés datent de la fin des années 1690 et début des années 1970 et ont été réalisés pour des enfants atteints de déficits immunitaires sévères aux Etats Unis en 1968 et en France par l’équipe de Claude Griscelli en 1971 à l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris.
Avant de recevoir la greffe, le malade est préparé : sa moelle, malade, est complètement détruite. Pour cela, il va généralement recevoir une chimiothérapie, dite « de conditionnement » pendant une dizaine de jours. L’hospitalisation se fait dans une chambre stérile car la chimiothérapie met le patient en aplasie profonde en détruisant son système immunitaire.
La greffe en soi consiste en la perfusion dans une veine de cette moelle préparée.
Les cellules greffées vont alors prendre place dans les os pour progressivement reconstituer tout le tissu de la moelle osseuse et reprendre la production des différentes cellules sanguines. Celle-ci n’a lieu que 10 à 30 jours après la greffe, période pendant laquelle il faut continuer de protéger le malade des agents infectieux. Au bout de 3 mois, les défenses immunitaires peuvent être reconstituées. Ce scénario peut cependant s’assombrir si une réaction de rejet se produit, ou dans le cas contraire si une réaction du greffon contre l’hôte se déclare. Pour la première, il faudra souvent réaliser une autre greffe. Pour la seconde, il existe des traitements pour traiter cette réaction.
THERAPIE GENIQUE
La thérapie génique consiste à prélever chez le patient lui-même les cellules souches hématopoïétiques (par un prélèvement dans sa moelle osseuse) et, de les corriger à l’aide d’un vecteur viral rendu inoffensif (ne donnant donc pas d’infection virale) qui transmet le gène thérapeutique qui a été préalablement inséré dans ce virus, puis de les réinjecter par voie sanguine après un conditionnement (habituellement constitué de chimiothérapie). Malheureusement, la thérapie génique n’est pas à disposition pour tous les DIP sévères et il faut entre 5 et 10 ans de travail pré-clinique avant chaque essai. Et quand on sait que l’on a identifié plus de 450 gènes différents pour les DIP, la tâche est énorme… Les DIP candidats pour la thérapie génique sont identifiés sur la base de leur gravité quand les greffes non 100 % compatibles (en général à partir d’un frère ou d’une sœur comme donneur) donnent des résultats insatisfaisants.
Aujourd’hui, l’effet bénéfique de la thérapie génique est validé pour le DICS lié à l’X, le DICS par déficit en ADA, le syndrome de Wiskott- Aldrich, et la granulomatose septique chronique.
Parallèlement, on fait des énormes efforts sur des formes de lymphohistiocystose (Munc13-4) et le syndrome IPEX. La difficulté aujourd’hui est que la thérapie génique pour ces pathologies n’est pas nécessairement disponible en France, mais au Royaume-Uni pour le DICS-ADA) et en Italie – et encore transitoirement en France – pour le Wiskott-Aldrich. La nécessité de s’expatrier pour recevoir le traitement est très lourd pour les patients concernés, il faut donc que dans le futur, ce soit le produit qui voyage plutôt que les cellules à corriger ou pire les patients. Un nouveau modèle économique est en cours de réflexion avec tous les partenaires institutionnels ou associatifs.